L'émigration
comme réponse à la faim
Les femmes et les jeunes constituent
l'immense majorité de la population qui, au Mali comme dans la quasi-totalité
des pays africains, peut imprimer une nouvelle orientation au
développement de leur continent d'autant plus que leurs sorts sont
liés.
Le lien qui unit le couple mère
-enfant semble se maintenir et faire la force de la relation entre les
femmes africaines et leurs enfants devenus grands. Telle est l'une
des dimensions cachées de l'émigration clandestine et forcée dont témoignent
des jeunes maliens, refoulés en 2005 des enclaves espagnoles de Ceuta et
Melilla. A la question "Pourquoi tenter de franchir les frontières
de l'Europe au risque de sa vie ?", l'un d'entre eux répond
ainsi "Pour ne plus voir ma mère vivre avec la faim au
ventre". La prise en charge de cette réponse simple mais
essentielle s'impose en vue de donner aux changements qui s'imposent du
sens ainsi que l'ancrage culturel nécessaire.
Mais alors
que le monde est dit libre et ouvert, la perspective pourles
Africains et les Africaines de vivre dignement de leur travail et de
circuler librement dans les pays d'accueil s'éloigne de jour en jour.
Voici
qu'après la flambée du prix du baril de pétrole et des denrées
alimentaires ainsi que le réchauffement climatique viennent s'ajouter
à ce dilemme la crise financière. Les émeutes de la faim se sont inscrites dans
un environnement mondial où les politiques migratoires se durcissent. Le
tri auquel les pays riches procèdent drainent les cerveaux vers le Nord
en laissant aux pays d'origine lesoin de gérer la grogne et la faim des
laissés pour compte dont les femmes et les jeunes constituent
l'immense majorité. Cette doubleréalité – la faim et l'émigration – est un
énorme défi à la mondialisation néolibérale qui est rarement questionnée
quant aux maux de l'Afrique. Selon la pensée dominante, il faut au contraire
poursuivre et approfondir les privatisations et les libéralisations
qui sont en cours depuis plus de trois décennies dans la plupart des pays
africains afin de contrer la faim et d'impulser la croissance.
Cette thèse
qui est largement partagée par les décideurs africains et leurs partenaires
techniques et financiers est à l'origine de la plupart des échecs des projets
et programmes mis en oeuvre.
Les acteurs
et actrices de la nouvelle société civile internationale critique dont émane
l'association des étudiants de l'International University College of Turin,
estiment que l'Afrique surprendra agréablement le monde le jour
où démocratiquement élus, ses dirigeants se mettront à l'écoute de leurs
peuples, en l'occurrenceles femmes et les jeunes, les éduqueront,
choisiront et mettront en œuvre avec eux des politiques de transformations
économiques, sociales et culturelles conformes à leurs aspirations
profondes. Cette belle perspective, qui est au cœur de la présente
initiative de la nouvelle génération d'intellectuelle dont dépendra
certainement le futur fructueux, égal et juste d'une société mondiale avec un
ordre économique mondial mettant l'humain au centre de ses décisions et
militant pour une juste redistribution des ressources et des richesses, est le
défi à relever.
Elle exige une
vision nouvelle qui réconcilie les Africains avec eux-mêmes, entre
eux, avec leur continent et avec le reste du monde.
Ce travail
gigantesque se fera sans doute par le biais de la reconstruction qui est
imminente, pressante et ne peut attendre car d'elle dépendra l'avenir des
millions de jeunes d'Afrique et de ceux du reste du monde entier dans un
contexte de globalisation. Alors c'est pourquoi s'impose La reconstruction comme vision
stratégique
L'état des
lieux qui résulte des cinq dernières décennies de transformation des économies
et des sociétés africaines fait appel à la reconstruction comme vision
stratégique. L'état de santé, leniveau d'éducation et l'alimentation des
populations ainsi que l'aspect des terroirs et de la plupart des
infrastructures de base (habitat, écoles, centres de santé, marchés…) portent
la marque d'un processus de dépossession des Africains de leurs destins,
de destruction des économies locales et des écosystèmes à la faveur d'un
développement extraverti et dépendant.
L'ouverture
totale des économies africaines au marché mondial qui se veut libre et
concurrentiel, est au centre des conditionnalités du financement de
l'agriculture de l'éducation, la santé et du développement en général. Les
cultures de rente (coton, café, cacao, arachide, thé…), auront bénéficié de
l'attention et des ressources des Etats postcoloniaux au détriment de la
satisfaction des besoins des populations en denrées alimentaires. Les
nombreuses mises en garde et le plaidoyer du mouvement paysan et de
la société civile critique quant au coût social, économique,
politique et écologique de cette ouverture des économies chancelantes d'Afrique
à la compétition sous la contrainte, ont rarement été entendues. Aussi,
assistons-nous aujourd'hui à une dégradation plus prononcée des conditions de
vie des populations et à une marginalisation plus poussée des petits
producteurs dontles femmes et les jeunes.
Face à
cette évolution dramatique de l'agriculture paysanne africaine, les
Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) et les agro -carburants, bien que
contestables et contestés dans l'hémisphère Nord, sont présentés en Afrique,
comme une réponse à la faim et la pauvreté. Il s'agit, en réalité,
d'aller plus loin dans la dépendance technologique et alimentaire du continent
dont l'une des traductions est la dépossession des paysans des semences et
deleurs terres.
Le
détournement de l'agriculture africaine de sa fonction nourricière au profit
d'un marché mondial prétendument libre et concurrentiel mais en réalité déloyal
si l'on considère entre autresles subventions agricoles des pays riches à leurs
propres productions. Concurrencés par des biens importés souvent subventionnés, les
produits locaux tendent à disparaître. Cette évolution a considérablement nui à
la capacité du continent à créer des industries centrées sur la transformation
de ses produits, des emplois et à se nourrir.
La perte de
sens et de connaissances ainsi que la faibleparticipation des populations à
l'analyse de leurs propres situations et aux prises de décisions découlent
elles-aussi de l'extraversion économique. L'utilisation, souvent sans
précaution, des intrants chimiques dans l'agriculture, engendre quant à elledes
maladies plus ou moins graves (allergies, troubles neurologiques et hormonaux,
cancers…), alors que les soins médicaux sont inaccessibles pour les
mêmes couches sociales qui sont frappées de plein fouet par la ruine de
l'agriculture africaine. En conclusion je dirai que les dimensions de la
reconstruction qui s'impose au regard de cette situation revêt au moins trois
dimensions :
celle des
personnes souvent démunies et désemparées faute de travail, de revenu, de
repères et de perspectives d'avenir;
la consolidation
de ce qui reste du lien social souvent ébranlé par les difficultés de la
survie;
les terroirs et les
infrastructures de base dont l'état de délabrement et d'abandon a un lien avec le manque
de motivation et souvent d'estime en soi.
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